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Corruption : Rachdi réfute toute idée d’une « surenchère entre le pouvoir exécutif et les institutions constitutionnelles »
Mohamed Bachir Rachdi, président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), n’a pas mâché ses mots en critiquant la lenteur de la réaction gouvernementale face aux recommandations émises par son instance. Il a également pointé du doigt l’absence de convocation de la Commission nationale de lutte contre la corruption, pourtant présidée par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, depuis l’entrée en fonction de l’actuel exécutif.
« Ces remarques, basées sur des analyses objectives de l’instance, n’ont pas pour but d’attaquer le gouvernement ou de marquer des points contre lui », a affirmé le président de l’INPPLC dans une déclaration à Hespress, repoussant fermement toute idée d’une « surenchère entre le pouvoir exécutif et les institutions constitutionnelles » dans la lutte contre la corruption.
Cette mise au point intervient après que Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, a rejeté toute « surenchère » sur la question et invité l’INPPLC à détailler les efforts qu’elle a entrepris pour assumer pleinement ses missions constitutionnelles. En réponse, Rachdi a réaffirmé que l’instance est bien engagée dans ses prérogatives, mais que ses efforts pour éradiquer la corruption resteront vains sans la prise en compte de ses recommandations et la réactivation de la Commission nationale de lutte contre la corruption. « Ce cadre permettrait de coordonner les différents acteurs impliqués dans la lutte contre la corruption », a-t-il précisé.
Lors de la présentation du rapport annuel de l’instance pour l’année 2023, Rachdi a rappelé que ses déclarations étaient « fondées sur les conclusions du rapport, elles-mêmes issues d’analyses et de données objectives, et non sur des opinions personnelles ». Il a ajouté que « les rapports de l’instance s’efforcent toujours de mettre en lumière les progrès accomplis par le Maroc dans la lutte contre la corruption, ainsi que les lacunes à combler ».
Parmi les avancées soulignées par Rachdi figurent la réception par le gouvernement de plusieurs avant-projets de lois, notamment sur les conflits d’intérêts, la révision de la déclaration obligatoire de patrimoine, ainsi qu’un projet de loi visant à protéger les lanceurs d’alerte dans la fonction publique. Cependant, il a déploré que le gouvernement ait montré « une faible réactivité » à l’égard de nombreuses autres recommandations essentielles à la lutte contre la corruption.
Rachdi a également réitéré, dans un entretien avec Hespress, que ses propos sur l’absence de convocation de la Commission nationale de lutte contre la corruption n’étaient nullement une critique du gouvernement. Il a rappelé que, selon le décret de création de la commission datant de 2017, le chef du gouvernement est tenu de la convoquer au moins deux fois par an. Il a souligné l’importance de ces réunions pour garantir la coordination et le suivi des actions des différents acteurs dans la lutte contre la corruption, dans le but de « changer une situation insatisfaisante confirmée par des indicateurs nationaux et internationaux ».
Le président de l’INPPLC a insisté sur la spécificité de la lutte contre la corruption, qui requiert « une coordination et une complémentarité institutionnelles, car des actions sectorielles isolées ne peuvent aboutir à des résultats concrets ».
Rachdi a tenu à rappeler que l’objectif commun de l’instance, du gouvernement et de toutes les autres institutions constitutionnelles est de faire en sorte que « la corruption au Maroc suive une courbe fortement dégressive de manière durable, afin de stopper l’hémorragie des ressources financières du pays, qui nous coûte chaque année 50 milliards de dirhams ».
En réponse à la question de Mustapha Baitas concernant les efforts fournis par l’INPPLC pour remplir ses missions constitutionnelles, Rachdi a répété que « ce sujet n’est pas un terrain de surenchère pour l’instance ou quiconque ». Il a précisé que l’instance « assume ses rôles de coordination, de supervision et de suivi », mais que ces rôles « ne peuvent être pleinement exercés sans la coopération des autres parties prenantes ».
Il a par ailleurs souligné que « l’instance n’appartient ni au pouvoir exécutif ni au législatif et ne peut donc pas adopter les lois liées à la lutte contre la corruption ». Son rôle, a-t-il expliqué, est de fournir au gouvernement des recommandations et des observations sur les grandes orientations que ces lois devraient prendre. Cependant, si l’exécutif ou les autres parties concernées ne répondent pas, « le travail de l’instance ne peut pas être efficace ».
Reconnaissant que l’instance n’est pas exempte d’erreurs, Rachdi a affirmé que celle-ci est « toujours prête à écouter les critiques et à améliorer ses services et performances ». Il a insisté sur le fait que l’INPPLC évalue, propose et recommande à travers des documents écrits, mais qu’il manque un cadre où « les réponses du gouvernement et des autres institutions à ces propositions puissent être entendues et discutées ».
Enfin, en réponse à la déclaration de Baitas, qui invitait les citoyens témoins d’actes de corruption à saisir la justice, Rachdi a conclu en rappelant que « l’instance traite les plaintes et dénonciations qu’elle reçoit et travaille dessus ». Toutefois, il a souligné que son rôle principal demeure de fixer les grandes orientations stratégiques, et a déploré qu’elle « n’ait pas encore trouvé de cadre de concertation et de discussion sur leur mise en œuvre », une référence à la non-convocation de la Commission nationale de lutte contre la corruption.